« Les fiançailles sont annulées. » Ophelia fixe la pomme qu'elle tient dans sa main, partagée entre l'envie de la jeter à la figure de l'homme qu'elle s’apprêtait à épouser ou de simplement l'écraser dans sa paume. Les larmes lui montent aux yeux et elle se déteste de ne pas pouvoir les contrôler. La dernière chose qu'elle souhaite c'est de se mettre à pleurer devant cet homme.
« Ne le prends pas comme ça Phe', ça n'allait plus entre nous depuis plusieurs mois...On n'allait quand même pas aller jusqu'au bout de ce mariage pour sauver les apparences ! » Elle comprend alors que les larmes qui roulent à présent sur ses joues sont des larmes de colère plus que des larmes de peine. Elle est incapable de le regarder dans les yeux et pourtant elle l'entend s'approcher d'elle et frisonne lorsqu'elle sent sa main se poser sur son épaule.
« J'aurais sincèrement voulu que les choses se passent différemment... » Il dépose un baiser sur le haut du crane de la rouquine et elle reste pétrifiée. Elle devrait le repousser violemment et le gifler, se décider à lui envoyer cette fichue pomme au milieu de son visage si parfait mais elle ne bouge pas, elle tremble de tout son corps mais ne réagit pas d'avantage. Il quitte l'appartement qu'ils partageaient ensemble et le regard d'Ophelia se pose sur la porte qu'il vient de franchir. Son bras s'anime et la pomme s'écrase brusquement contre la porte.
« Fallait pas t'envoyer en l'air avec la wedding planner alors ! » Toute sa rage se déverse dans ces quelques mots, s'il est encore derrière la porte ou dans la cage d'escalier, il l'a entendu sans le moindre doute. Elle s'effondre au sol et laisse sa tristesse prendre le dessus sur sa colère.
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« Une colonie pour adultes ? » Dire que Ophelia était une épave n'était pas trop loin de la réalité. Ces dernières semaines, elle avait déménagé de nouveau chez ses parents et elle ne sortait que pour se rendre à l’hôpital - où elle travaille - de peur de croiser son ex dans les rues de la ville.
« C'est à Bali ! Tu as dit que tu voulais partir loin, prendre le temps de tourner la page...J'ai déjà envoyé ton cv, tu as un entretien téléphonique dans deux jours et à la fin du mois, on se casse sous les cocotiers ! » L’enthousiasme de sa meilleure amie était communicatif. Recroquevillée sur son canapé depuis des heures, pas coiffée ni maquillée, la jeune rousse esquissa un bref sourire pour la première fois depuis l'annulation de ses fiançailles. C'est vrai, elle avait dit à plusieurs reprises qu'il lui fallait quitter la ville si elle souhaitait tourner la page pour de bon, lorsqu'elle avait dit cela elle pensait quand même rester sur le territoire américain mais Bali sonnait encore mieux à ses oreilles. Puis le fait que sa meilleure amie soit elle aussi de la partie était un bonus non négligeable.
« Je suppose qu'il nous faut faire du shopping avant de s'envoler pour Bali... » Les deux jeunes femmes n'avaient même pas encore eu leur entretiens respectifs qu'elles étaient déjà excitées comme des puces à l'idée de partir loin de Saint Louis et des problèmes que cela leur évoque.
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Installée dans son bungalow, Ophelia fixe le plafond. Elle est à Bali depuis quelques heures et elle ne ressent pas l'excitation qu'elle espérait. Elle se retrouve seule - sa meilleure amie n'a pas été embauchée - et elle-même a longtemps réfléchit avant de partir mais pousser par ses parents et ses proches, elle s'est retrouvée dans l'avion encore indécise sur cette aventure Balinaise. Elle avait été munie à son arrivée d'un talkie walkie - comme chacun des employés - mais qui elle devait être allumé à toutes heures pour qu'on puisse la joindre lorsqu'il y avait des incidents nécessitant des soins. Et l'appareil ne perdit pas de temps pour se faire entendre dans le bungalow silencieux de la rouquine.
« Ophelia ? Je sais que tu as ta journée pour t'installer mais un de nos animateurs vient de s'ouvrir l'arcade avec le rebord de la piscine. » Elle répondit automatiquement au talkie walki non sans rouler des yeux en entendant la raison de ce dérangement. Elle n'était vraiment plus sûre d'avoir fait le bon choix en acceptant ce job ici.
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Aux abords de la piscine, la jeune femme pouvait distinguer un jeune homme allongé sur une des chaises longues mais surtout elle l'entendait se plaindre de la douleur. Il était entouré de deux autres employés qui s'écartèrent lorsqu'il la virent arrivée avec sa trousse de soin.
« Bonjour, je suis Ophelia, la nouvelle infirmière. On m'a dit qu'il y avait un blessé par ici... » Elle était toujours très sérieuse lorsque cela touchait son job. Si bien qu'elle ne pu réprimé un soupir lorsqu'elle aperçut le jeune homme se relever instinctivement en la dévisageant des pieds à la tête.
« Blessé ? Oh ils ont exagérés la chose, ce n'est qu'une petite égratignure, j'ai connu pire ! » Le sourire du garçon aurait séduit plus d'une fille et surement Ophelia aussi si elle ne sortait d'une rupture difficile. Elle s'approcha du jeune homme, et commença par nettoyer la plaie.
« Une égratignure ? En arrivant ici j'ai cru que j'allais avoir à faire à un blessé de guerre en entendant vos cris. » Elle remarqua que le garçon souhaitait garder bonne figure, et elle finit par esquisser un petit sourire.
« Aufaite je suis Cal, je suis un des animateurs de la colonie. » Toujours attentive à son boulot, Ophelia se contenta d'hocher la tête.
« C'est le bon job pour pouvoir draguer les touristes ça ! » « Oh que oui ! Je veux dire non...Non, enfin pas moi ! Moi je ne suis pas comme ça...Merde ! » Le rire qui sortit de sa gorge fut spontané et sincère et c'était tellement ces derniers temps pour la jeune rousse que cela méritait d’être souligné. Elle lui tapota doucement sur l'épaule.
« Ce n'est pas grave, je suis fiancée de toutes façons ! » Ophelia avait l'habitude à l'hopital de Saint Louis de se faire draguer par certains hommes et elle répondait toujours cela instinctivement en brandissant sa main gauche. Et sur cette main gauche trônait toujours sa bague de fiançailles. Trop confuse pour expliquer le malentendu, Ophelia se dépêcha de finir les soins et quitta les trois garçons pour rejoindre la solitude de bungalow.
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Il y a eu cette soirée - le genre de soirée pour que tous les employés fassent connaissance avant l'arrivée des touristes - et à cette soirée il y avait beaucoup d'alcool et rien ne soulage un cœur brisé et la manque de sa meilleure amie plus que l'alcool, c'est bien connu. Un peu éméchée, Ophelia repéra vite Cal qu'elle avait soigné quelques jours plus tôt, il bavardait avec un groupe de filles - certaines semblaient être des locales - et sans savoir pourquoi la trahison de son ex-fiancé lui revint en mémoire.
« Et moi qui pensais que les sourires charmeur et les petits mots doux m'étaient réservés...Je suis déçue. » « Oh Ophelia ! Hey...euh est-ce que ça va ? » Elle devait avoir une tête horrible pour qu'il lui pose la question alors plutôt que d'avoir à s'étendre sur la question, elle l'embrassa à pleine bouche. Le baiser lui fut rendu après quelques secondes d'hésitation.
« Tu as dit que tu étais fiancée... » Elle ne voulait pas parler, elle ne voulait pas qu'on lui pose des questions sur sa vie sentimentale pathétique, elle voulait juste etre dans les bras d'un homme et tant pis si ce n'était pas celui qu'elle voulait.
« Pas ce soir ! » Aidée par l'alcool qui piégeait son cerveau, Ophelia jeta sa bague dans le sable et attira Cal vers son bungalow.
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La jeune rouquine se sentait stupide après ce qui s'était passé avec Cal. Elle l'évitait au mieux et l'animateur avait du finir par comprendre le message puisqu'il ne passait plus à l'improviste à l'infirmerie avec des fleurs. De nouveaux vacanciers arrivaient tous les jours et de nouveaux visages se mêlaient à ceux qui devenaient au fur et à mesure familiers. Sur le chemin vers l'infirmerie, Ophelia eu l'impression d'un mirage, elle aperçut son ex-fiancé dans la foule des nouveaux arrivants et à la tête de ce groupe; Cal. Son sang ne fit qu'un tour et sans se l'expliquer et elle s'approcha de l'animateur et l'embrassa par surprise.
« Ophelia ? » Cal fit signe à un autre animateur de prendre le relai avec le groupe des nouveaux arrivants et attira Ophelia à l'écart. La jeune femme croisa le regard de son ex-fiancé et un large sourire apparu sur son visage. C'était une petite revanche certes, mais cela faisait un bien fou. Sans aucune explications, Cal parvint à comprendre les grandes lignes de l'histoire qui se jouait sous son nez. Le regard noir que venait de lui lancer cet homme et le sourire triomphant de la rouquine, il était facile pour lui de deviner ce qui se passait.
« Il t'a fait souffrir, je me trompe ? » Ophelia reprit ses esprits et son regard se posa sur Cal, le sentiment de triomphe fut vite remplacer par de la culpabilité. Elle hocha timidement la tête.
« Je suis désolé, mais ça ne te donne pas le droit de jouer avec les sentiments des autres... »